Témoignage sur notre dernière sortie

Voici le joli témoignagne de l’un des participants à notre rencontre pédestre le 19 juillet dernier à Azay-sur-Cher.

Un grand merci à son auteur

La marche du 19 juillet – Sur les rives du Cher

Il est 7h10, le soleil n’a pas encore décidé s’il allait percer ou pleurer, et déjà l’appel du sentier nous sort du sommeil. Ce matin, c’est Azay-sur-Cher qui nous attend, paisible commune lovée au bord de la rivière. Une marche de 10 kilomètres, organisée par l’association de Saint-Jacques-de-Compostelle, nous tend les bras.

À mes côtés, mes deux filles, S. et L. partagent l’aventure. Les sacs sont prêts — de l’eau, bien sûr — mais pas de barres de céréales… Petit oubli, grand enjeu pour deux estomacs d’enfants partis sans petit déjeuner. Heureusement, le hasard sourit à l’anticipation : au bureau de tabac, cinq barres de Kinder Céréales semblent nous attendre sur l’étagère. Je les prends sans hésiter, accueilli par le soulagement gourmand de mes filles, devenues aussitôt complices et rayonnantes.

À 8h15, nous rejoignons la place Besnard, au pont du Cher. Les nuages sont d’un gris menaçant, mais nos kways sont là, comme des promesses contre le ciel capricieux. Nous sommes 17 marcheurs, mes filles les benjamines du groupe. Un court briefing ouvre la matinée : un mot d’accueil, quelques repères historiques sur Azay-sur-Cher, et cette anecdote savoureuse — ses habitants sont appelés les Azéens et Azéennes, et le Cher, notre guide liquide du jour, prend humblement sa source à Mérinchal, à 700 mètres d’altitude sur le plateau de Millevaches.

Au fil du Cher, Azay s’étire doucement, bercé par les reflets du ciel dans l’eau tranquille. Son nom, venu du fond des âges, murmure l’histoire d’un domaine antique où la vigne, la pierre et la foi ont laissé leur empreinte.

Nous partons, le pas léger, sur la rive gauche, en direction d’Athée-sur-Cher, par un sentier de terre au relief doux. Le rythme est paisible. Des haltes régulières permettent à chacun de reprendre souffle, de boire, d’échanger. À un moment, un lapin jaillit d’un bosquet, vif et nerveux, traverse le chemin pour disparaître dans un champ de maïs. Une apparition fugace, mais qui saisit l’instant comme un haïku vivant.

Avec mes filles, un peu en retrait du groupe, nous jouons. Un jeu de marche inventé : construire des phrases absurdes en ajoutant à tour de rôle un mot. Les rires fusent, les mots dérapent, et la poésie joyeuse de l’enfance flotte autour de nous.

Peu après, le pont de Chandon se dresse, solide et tranquille. Nous faisons halte sur ce lieu chargé d’histoire. Un petit mémorial discret nous rappelle l’époque où le Cher était une artère commerciale : les gabares glissaient sous ses arches, chargées de vin, de bois, de pierres, portées par la patience des bateliers.

Sous ses arches, le Cher s’étire comme un miroir ancien, témoin des jours où les hommes conversaient avec l’eau.

La marche reprend, et bientôt, au creux d’un méandre, nous atteignons le barrage de Nitray. Il nous est présenté brièvement par Michelle, 82 ans, un peu fatiguée mais animée par cette flamme des gens qui aiment transmettre. Le barrage à aiguilles, cette ingénieuse dentelle hydraulique du XIXe siècle, se dresse encore, encadré par la maison éclusière, le vieux moulin, et les kiosques d’interprétation qui chuchotent la mémoire fluviale.

Nous marchons encore, presque à destination, quand un détail saisit notre regard : au bord du sentier, la terre semble remuée. Un terrier fraîchement creusé, d’environ quinze centimètres de diamètre, s’ouvre dans l’ombre d’un talus. La terre est meuble, jetée en éventail désordonné, comme si le blaireau, noble creuseur des sous-bois, venait tout juste de s’éclipser.

Le terrier n’était pas vide, il était vivant d’une absence récente. Une bouche sombre dans la terre, gardienne d’un mystère nocturne.

Juste à cet instant, deux silhouettes en bure croisent notre chemin. Deux moines venus de Nantes, marchant vers l’Italie. Ils suivent la Via Francigena, chemin millénaire menant à Rome, entre prière et poussière. Nous les saluons en silence. Nos chemins se croisent, nos marches se rejoignent.

Peu avant midi, la boucle se referme sur la place Besnard. Deux petites tables sont tirées, les bouteilles débouchées, les verres levés. L’apéro, promis au départ, est là, simple et joyeux.
J’échange longuement avec une femme de plus de 70 ans, rayonnante, qui vient de terminer le chemin de Compostelle. Elle parle avec cette lumière dans les yeux, celle que seule la marche lente peut allumer. Sa voix porte l’écho des sentiers lointains, et son énergie semble défier le temps.

10,8 kilomètres, entre 8h45 et 12h15, au rythme du Cher, de l’histoire, des rires et des pas.